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Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA)

mardi 26 septembre 2006, par Gérald Sédrati-Dinet (gibus), Jean-Marc Le Peuvédic, Rene Paul Mages (ramix)

Le projet d’accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) semble être la dernière voie en date pouvant légaliser les brevets logiciels en Europe. La FFII France invite ses sympathisants à se mobiliser sur ce projet, à un stade de la procédure où il est encore possible de sauvegarder l’innovation en Europe et les performances de nos petites et moyennes entreprises.

Mise à jour février 2007 : le service juridique du Parlement européen rend une opinion négative sur les pouvoirs des États membres de l’UE de ratifier individuellement l’EPLA.

 Introduction : contenu de ce dossier

La mobilisation sur le projet d’accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) est aujourd’hui capitale. Ce dossier fait le point sur l’EPLA :

Ainsi le projet d’accord sur les litiges en matière de brevet européen (EPLA en anglais) aurait comme conséquence de promulguer en droit européen la jurisprudence de l’Office européen des brevets (OEB), y compris ses pratiques ayant conduit à l’octroi de dizaines de milliers de brevets logiciels. Alors qu’aujourd’hui la Convention sur le brevet européen (CBE) interdit toujours les brevets sur les programmes d’ordinateurs, ces brevets logiciels accordés par l’OEB contre l’esprit et le texte de la CBE, deviendraient alors applicables en droit européen.

L’EPLA est un projet initié au sein même de l’OEB et semble recueillir l’aval des lobbies traditionnels du brevet logiciel qui ont d’ores et déjà commencé à en faire la promotion au Parlement européen et dans les États membres.

Son objectif est de simplifier le système de contentieux sur le brevet européen. À l’heure actuelle, il n’existe pas de brevet valide à l’échelle européenne. Un brevet européen, délivré par l’Office européen des brevets (OEB), est en fait un agrégat de brevets qui sont en vigueur dans les États signataires de la Convention sur le brevet européen (CBE, qui compte la quasi totalité des États membres de l’Union européenne ainsi que d’autres pays comme la Suisse ou la Turquie) désignés par le détenteur du brevet. Dès lors, lorsque ce dernier entend faire valoir son brevet en justice pour dénoncer une contrefaçon ou se défendre contre une accusation de contrefaçon, il devra le faire dans chaque juridiction nationale où a lieu le litige.

Les promoteurs de l’EPLA jugent que ce système de contentieux doit être réformé pour instauré une Cour centralisée des brevets dont les décisions s’appliqueraient à l’ensemble des États signataires de l’accord. Il faut bien voir qu’il s’agit là d’un moyen de contourner l’indépendance judiciaire d’États démocratiques.

Ainsi, en ce qui concerne les brevets logiciels, les tribunaux nationaux avaient jusqu’alors la possibilité d’invalider les brevets logiciels accordés par l’OEB et confirmés par ses chambres de recours internes, en dépit du droit européen. Avec l’EPLA, les pratiques de l’OEB pourront tout bonnement être consacrée par un cour centralisée, et ce d’autant plus facilement que les juges y siégeant pourront être recrutés au sein même des chambres de recours de l’OEB. Et leurs décisions feront ainsi loi dans tous les pays signataires.

Si l’EPLA est un traité inter-étatique, comme la CBE, sans relation a priori avec l’Union européenne, il concerne la quasi totalité des États membres de l’Union et, comme nous le montrons dans ce dossier, pourrait nécessiter l’implication directe de la Communauté. Le Parlement européen a prévu de prendre position sur l’EPLA en octobre 2006. Le poids politique de cette position du Parlement européen, à ce stade précoce de la procédure, exige que nous nous mobilisions aujourd’hui sur l’EPLA.


 Analyse des dangers de l’EPLA

Résumé du point de vue de la FFII

  • Les brevets logiciels que l’Office européen des brevets a accordés (sans en avoir la compétence) seront opposables aux tiers.
  • Nous observons que le pouvoir exécutif est en train de prendre le dessus sur le pouvoir judiciaire. Nous avons des tribunaux nationaux indépendants, et une Cour suprême pour les procès civils concernant des brevets, mais nous aurons une Cour européenne des brevets sous contrôle.
  • Nous allons voir en Europe une multiplication à l’américaine des litiges concernant des brevets.

1. Des contentieux plus coûteux, sans avantage perceptble

Un contentieux devant la cour de l’EPLA sera au moins deux fois plus onéreux que devant les tribunaux nationaux allemands, français ou néerlandais.

La Commission européenne écrit dans ses résultats préliminaires sur la future politique des brevets en Europe (traduction non officielle assurée par nos soins) :

L’EFPIA [NdT : Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques] est l’un des seuls acteurs à pointer le fait que les bénéfices de l’EPLA pourraient être surestimés car les risuqes et les coûts non pas été totalement estimés. S’il est vrai, comme les statistiques semblent le suggérer, que le coût d’un contentieux devant une cour centralisée serait deux fois supérieur d’une procédure en France ou en Allemagne, et si la plupart des brevets sont en pratique opposés en justice dans une seul juridiction, alors obliger à porter un contentieux dans une cour centralisé ne fera qu’accroître les coûts, sans avantage perceptible. L’EFPIA est également inquiète de la qualité de décisions qui seraient similaires à celles de la grande chambre de recours [de l’OEB].

On peut trouver des évaluation du coût d’un contentieux sur le site de l’OEB, dans son étude des conséquences de l’EPLA, annexes 1 et 2. L’OEB y conclue lui-même que le contentieux avec l’EPLA sera moins onéreux, mais n’arrive à cette conclusion qu’en ajoutant des procédures dans 3 pays différents. Comme la plupart des brevets ne sont opposés en justice que dans une seule juridiction, on peut y voir un bel exemple de manipulation des statistiques.

L’EPLA apportera des bénéfices pour ceux qui ont un gros porte-monnaie, les multinationales et les profiteurs de brevets (patent trolls. Pour les PME, la situation sera pire qu’avant. D’ores et déjà, les contentieux sont trop onéreux. La plupart du temps, elles seront forcées d’accepter un règlement « à l’amiable » lorsqu’elles seront accusées de contrefaçon.

Et tout ceci, « sans avantage perceptible ».

2. Un vide politique

« Le Conseil d’administration sera composé des représentants de chaque État membre et de leurs suppléants. Chaque État membre pourra nommer un représentant et un suppléant. »

Comme l’Organisation européenne des brevets (OEB), l’Organisation européenne du contentieux des brevets (OECB) ne sera pas dirigée par une personne politiquement responsable, qui réponde devant un parlement. L’OEB a 31 ministres qui sont tous un petit peu responsables, via leurs représentants. Il se peut que les ministres (ou les secrétaires d’État) ne sachent pas grand chose de ce qui se passe. Les parlements des États membres seront encore moins informés. Si la population voulait changer quelque chose, elle devrait s’adresser à 31 parlements qui devraient influencer 31 ministres. Le pouvoir politique est fragmenté, ce qui crée un vide politique. D’un point de vue démocratique, ce modèle de gouvernement est un trou noir.

On peut dire que l’Union européenne manque aussi de légitimité mais l’Union, elle, possède un Parlement qui gagne de l’influence, une Commission que l’on peut renvoyer, et un Conseil qui réunit les ministres des pays souverains. Ce modèle est de loin préférable à celui de l’OEB / OECB qui manque de légitimité.

3. Des parties prenantes en conflit d’intérêts

Un office des brevets vend des droits, un produit qui ne lui coûte rien. En fait, plus il les accorde facilement, plus les acheteurs sont heureux. Une situation pareille demande des contre-pouvoirs indépendants et équilibrés. Le modèle de gouvernance de l’OEB ne les donne pas. Les parties prenantes au système des brevets sont retranchées dans un système dont elles partagent les intérêts et les croyances. Elles ne représentent pas les intérêts du public et des citoyens en général.

4. Des tribunaux administratifs aux ordres

La délivrance de brevets est un processus administratif. L’entité de l’Organisation européenne des brevets qui vend des brevets, l’Office européen des brevets, a ses propres chambres de recours.

Ces chambres :

  • sont internes,
  • ne sont pas indépendantes ; les mandats de juge sont renouvelables,
  • les membres sont nommés par décision du Conseil d’administration, d’après une proposition du Président de l’Office européen des brevets [1].

Lord Justice Jacob a déclaré au sujet des chambres de recours (traduction par nos soins) :

La chambre de recours de l’Office européen des brevets est un système assez stupide — ils sont juges, et malgré cela font partie de l’office européen des brevets et ça sent mauvais. Ils ne devraient pas faire partie de l’Office.

5. Une modification des règles de droit hors de ses compétences

Les chambres de recours internes de l’OEB ont introduit les brevets logiciels. L’introduction du logiciel dans tous les aspects du droit des brevets n’est pas une décision judiciaire « technique », mais une modification des règles du droit qui est sans contestation possible hors des compétences d’un tribunal ou d’une cour quels qu’ils soient. Cette modification doit être traitée comme il se doit pour un changement de politique.

6. Des tribunaux nationaux indépendants

Aucun appel n’est possible contre les décisions de ces chambres de recours. Une fois le brevet accordé, le détenteur peut entamer des procédures civiles contre les contrefacteurs présumés. La Cour européenne des brevets qui est proposée sera compétente pour juger ces procès civils qui relèvent aujourd’hui de la compétence de tribunaux nationaux indépendants et de la Cour suprême — la plus haute juridiction. Ces juges traitent des procès civils au cours desquels les détenteurs de brevets et les contrefacteurs présumés se rencontrent. Ils voient les deux faces de la médaille. Devant ces tribunaux, les modifications des règles de droit introduites par la Chambre de recours de l’OEB ont été contestées. Ceci est la raison pour laquelle nous ne voyons pas beaucoup de procédures judiciaires au sujet de brevets logiciels en Europe.

7. Une Cour européenne aux ordres

Les représentants des États membres auprès du Conseil d’administration de l’OECB seront souvent les mêmes personnes qui représentent les États membres au Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets. Ils viennent des gouvernements des États membres et de leurs offices de brevets nationaux, et ne nommeront pas des juges indépendants à la Cour européenne des brevets. En effet, la candidature de membres des Chambres de recours de OEB et de responsables des offices nationaux sera recevable. Les juges de la Cour européenne des brevets seront nommés par une organisation de type gouvernemental sans contrôle politique. Les membres de la Chambre de recours interne (la plus basse forme de justice) administrative (obéissant aux textes de nature réglementaires) de l’Office européen des brevets pourront être nommés. Des membres des chambres de recours internes de l’OEB et des membres des offices de brevets nationaux pourront être en même temps juges à la Cour européenne de brevets ! Un mélange inédit de pouvoir exécutif et judiciaire.

8. Un réservoir de brevets logiciels

Les juges du tribunal de l’EPLA seront nommés par des parties prenantes en conflit d’intérêts provenant du système des brevets, qui ne représentent pas les intérêts du public.

De cette manière, la modification des règles du droit introduite par les chambres internes et subordonnées de l’Office européen des brevets seront validées. Les brevets logiciels que l’OEB a accordés (hors de ses compétences) deviendront valides et opposables en justice. Le réservoir de brevets logiciels s’abattra sur nous.

9. Un pouvoir exécutif qui préempte le pouvoir judiciaire

Nous sommes témoins d’une prise de contrôle du pouvoir judiciaire par le pouvoir législatif. Nous avons des tribunaux nationaux indépendants, et une cour suprême pour les affaires de brevets traitées en droit civil ; nous aurons une Cour européenne des brevets subordonnée à une administration irresponsable.

10. Une dérive des litiges à l’américaine

Aux USA, il y a plusieurs dizaines d’années, une Cour fédérale spécialisée fut créée. Brian Kahin écrit sur CNet (traduction par nos soins) :

Il y a 25 ans, le Congrès créa une cour de justice spécialisée pour entendre tous les appels de jugements concernant des brevets. Bien que le Congrès n’ait à ce moment rien changé au droit des brevets, l’idée était de rendre l’interprétation du droit plus homogène. Mais le nouveau tribunal d’appel du circuit fédéral devient vite un fervent supporter de sa spécialité. Il rendit les brevets plus simples à obtenir, plus faciles à faire respecter, plus puissants et disponibles pour pratiquement n’importe quoi, dont les logiciels et les méthodes d’affaires.

Sans aucune modification de la loi, le paysage changea énormément. Le guichet unique de la poursuite en contrefaçon facilite la vie des détenteurs de droits. Nous allons voir les litiges à l’américaine arriver en Europe. L’Europe est à un tournant. Nous pouvons soit aller dans la même direction que les USA, ou dire que nous y avons échappé de peu.

11. Des dommages et intérêts s’emballant

Aux États-Unis, les grands éditeurs de logiciels demandent une modification de la manière dont les dommages et intérêts sont accordés, car les choses se sont clairement emballées. Ainsi, ZDNet rapporte (traduction par nos soins) :

Emery Simon, conseiller en chef pour la Business Software Alliance, a déclaré que les grandes compagnies de son organisation — y compris Microsoft, Apple Computer, Macromedia et Symantec — étaient en faveur de dommages et intérêts accordés « proportionnelement à la seule valeur de l’invention, et non aux valeurs cumulées de chaque fonctionalité comprises dans un grand produit, qui, pour un logiciel, peut compter des milliers et des milliers de fonctionnalités ».

Le fait que l’Europe ne connaise pas beaucoup de contentieux sur les brevets logiciels et qu’il n’y ait pas de litiges à l’échelle européenne, avec son économie de profits à grande échelle, masque le problème des dommages et intérêts. L’Europe a ainsi une excellente opportunité de résoudre ce problème avant que ne soient introduits des contentieux à l’échelle européenne, et avant que les choses ne s’emballent également ici.

Aux États-Unis, le système des brevets est deveny un problème, de nombreuses entreprises demandent qu’il soit réformé. Nous ne devrions pas suivre aveuglément les États-Unis. Nous devrions plutôt surveiller les problèmes et les solutions qui se présentent d’eux-mêmes et n’agir que sur ceux-ci.

12. Un groupe de travail en conflit d’intérêts

Quand le projet de traité fut prêt, le groupe de travail « contentieux » a produit une déclaration (http://www.european-patent-office.org/epo/epla/pdf/declaration_f.pdf) :

Il considère que les dispositions détaillées et complètes contenues dans ces projets, qui prévoient l’instauration d’un système juridictionnel européen unique comprenant une première instance décentralisée, une cour d’appel centrale et un conseil consultatif facultatif, répondent au mieux aux besoins des utilisateurs du système du brevet européen.

Les utilisateurs du système de brevets européen sont ceux qui achètent des brevets, et pour eux, le projet de traité offre une solution optimale. A-t-on le droit dans ces conditions de dénoncer le conflit d’intérêts au sein du comité de travail ? Les utilisateurs sont contents. Les gros éditeurs de logiciels comme Microsoft et SAP, mais également le Medef en France, font du lobbying en faveur de l’EPLA.

13. Une absence de licences obligatoires

L’EPLA ne parle pas du tout de licences obligatoires. C’est un point qui est discrètement passé sous silence par le groupe de travail, alors que les licences obligatoires sont un point essentiel d’un système de brevets équilibrés. Sans licence obligatoire, une invention breveté peut ne pas être exploitée avant l’expiration du brevet.

14. Une responsabilité rétroactive dangereuse

La responsabilité rétroactive (article 67 de l’accord) ouvre la porte à une extorsion légale. Il serait ainsi profitable de demander des brevets étendus, vagues et triviaux, puis de notifier les contrefacteurs après des années. Les PME, ne pouvant assumer de trop coûteux frais de justice, se résoudraient à payer.

15. Un problème de langues

On devrait pouvoir se défendre dans sa propre langue. Les petites et moyennes entreprise sont déjà écrasée par les coûts des contentieux et ne peuvent se permettre des frais de traduction supplémentaires.

L’utilisation des seules langues en vigueur à l’Office européen des brevets rend le système judiciaire de l’EPLA complètement centré sur l’Europe occidentale.

Relation avec l’Union européenne

L’Organisation européenne des brevets n’est pas un organisme communautaire. Le tribunal institué par l’EPLA ne serait pas une organisation communautaire.

16. Une adhésion problématique pour le droit communautaire

La Commission a fait savoir], qu’après l’adoption du « Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale », les États membres n’avaient pas le pouvoir de signer l’EPLA.

L’adhésion de la Communauté à l’EPLA ne résoudra pas le problème. En conséquence de l’article 43 de l’EPLA, l’adhésion a l’EPLA impliquera (partiellement) une adhésion à la Convention sur le brevet européen (CBE), ce qui en fera (partiellement) un droit communautaire. De ce fait, les modifications ultérieures du traité CBE feront aussi partie du droit communautaire. La plupart des problèmes posés par l’adhésion de la Communauté au traité CBE existent aussi lorsqu’on considère une adhésion à l’EPLA.

La CBE peut non seulement être modifié par une conférence diplomatique, mais le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets peut également modifier le « Règlement d’exécution », ainsi que les parties II à VIII et la partie X de la CBE, prenant par conséquent le rôle du législateur. Les traités constitutifs de la Communauté et leurs règles précises quant à l’élaboration du droit communautaire, seraient tout bonnement contournés. Nous obtiendrions ainsi un droit communautaire sans contrôle démocratique. L’adhésion à la CBE endommagerait donc grandemant les traités constitutifs de la Communauté européenne.

L’adhésion de la Communauté à l’EPLA ne peut être conclue qu’après avoir reçu l’aval du Parlement européen, cf. http://wiki.ffii.org/EuAccEplaEn.

Voir également http://www.ffii.org/ ante/compat/FFII.org_EC-accession-EPC.pdf

17. Deux cours européennes

Pour que le processus d’adhésion fonctionne, la communauté européenne devrait probablement adhérer aussi à la Convention sur le brevet européen. Le commissaire McCreevy a déclaré à propos d’une telle adhésion (traduction par nos soins) :

La Communauté adhérerait à la CBE, ce qui aurait comme conséquence que cette dernière deviendrait un droit communautaire.

En derniers recours, la Cour de justice des communauté européennes (CECJ) statue sur le droit communautaire. Bien entendu, il serait inacceptable qu’un institution non communautaire statue en dernier recours sur le droit communautaire. Cela réduirait le tribunal institué par l’EPLA à une cour de moindre degré...

Si la Communauté doit être prise au sérieux, il est impossible d’avoir une cour des brevets qui ne soit pas communautaire.

Le tribunal instauré par l’EPLA est à lui seul exagérément onéreux. Combien coûterait-il d’avoir deux cours se pronoçant sur les affaires de brevets ?

18. La Cour de justice des communautés européennes

L’Union européenne aussi a une proposition pour un tribunal spécialisé en brevet à l’échelle européenne : la Cour du brevet européen qui est liée au Brevet européen et ferait partie de la Cour de justice des communautés européenne. Les articles 2 et 3 décrivent le processus de désignation des juges. Celui-ci conduirait à une bien meilleure qualité, et une bien meilleure impartialité. Les juges de la Cour de justice européenne ne peuvent pas avoir d’autre mandat.

L’Union européenne a déjà un tribunal : la très prestigieuse Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Si nous voulons un tribunal européen compétent en matière de brevets, laissons la CJCE traiter ces dossiers. Et laissons les membres des chambres fantoches de l’OEB à la porte.


 Situation politique

Lorsque la Commission a lancé sa consultation sur la politique en matière de brevet avec la publication d’un questionnaire, certains membres de la commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen se sont interrogés sur le meilleur moyen de communiquer à la Commisison la propre position du Parlement européen sur l’avenir du brevet en Europe.

Après avoir envisagé, sur proposition de l’eurodéputé conservateur allemand, Klaus-Heiner Lehne de répondre directement à la consultation de la Commission, le Parlement européen a finalement décidé de voter une résolution sur l’avenir du système de brevets en Europe, définissant notamment sa position vis-à-vis de l’EPLA.

Le vote de cette proposition prévu initialement pour le mois de mai 2006, avant la consultation du 12 juillet de la Commission, a été repoussé à l’automne. Les raisons de ces reports tiennent notamment au fait que les principaux promoteurs de l’EPLA — Klaus-Heiner Lehne du Groupe du Parti populaire européen et des Démocrates européens (PPE-DE) et Sharon Bowles du Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-chrétiens) et des Démocrates européens (ALDE) — ne sont pas parvenus à trouver un accord inter-groupes pour une motion unitaire.

Lehne et Bowles ont cependant commencé à faire circuler avant l’été un projet de résolution en faveur de l’EPLA, qu’ils ont abusivement tenté de désigner sous le nom de « compromis ». Il faut savoir que ces deux eurodéputés occupent des postes dans des cabinets juridiques bénéficiant de l’inflation des brevets et de contentieux plus onéreux. Ils insitent sur des dispositions résolument pro-EPLA et ne montrent aucun signe qu’ils accepteraient une quelconque modifications d’articles clés. Ils se sont obstinés à avancer sur le projet de résolution, au contraire de Michel Rocard qui a remis en cause le besoin d’une telle résolution.

Pour toute réponse aux questions écrites des eurodéputés, la Commission européenne s’est révèlé à ce jour totalement incapable d’apporter le moindre renseignement utile concernant l’impact qu’aurait la mise en vigueur de l’EPLA sur les coûts de procédure, l’indépendance des cours de justice, la jurisprudence et les traités déjà ratifiés. Ce qui n’empêche pourtant pas M. McCreevy de continuer d’exalter les vertus supposées dudit accord.

Le 20 septembre, le Groupe socialiste au Parlement européen (PSE) a publié un communiqué de presse sur sa motion commune avec le Groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) et le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL). Le lendemain, les Verts et le groupe GUE/NGL ont publié leurs propres déclarations.

Le 21 septembre, le Groupe Indépendance/Démocratie (ID) a déposé une motion en phase avec celle du PSE, des Verts/ALE et du GUE/NGL pour ce qui concerne le droit des brevets en général et l’EPLA en particulier, mais qui fait l’impasse sur un certain nombres de références institutionnelles, comme la Cour de justice des Communautés européennes (CECJ).

Ces fortes critiques de l’EPLA ont rendu nerveux M. Lehne qui a publié un communiqué de presse le 20 septembre en réponse à celui du PSE et a fait circulé un projet de motion au sein de son groupe. Pendant la semaine plénière de fin septembre à Strasbourg, Lehne et Bowle, sous la pression de leurs propres groupes, ont allégé leur proposition, la faisant passer de 17 à 3 articles. Des amendements de la FFII ont reçu un soutien parmi de nombreux eurodéputés de ces groupes.

Cependant, un retournement de situation s’est produit le 3 octobre, dans l’optique que Lehne puisse toujours obtenir une majorité en faveur d’une mauvaise motion, le groupe socialiste a abandonné sa position forte et est entré dans un compromis pouvant empêcher le pire. Selon cette résolution de compromis, le Parlement apporterait grossièrement son soutien à l’EPLA et demanderait à ce que l’Union européenne « rejoigne la Convention de Munich sur le brevet européen », mais exigerait par ailleurs des « améliorations substantielles » au texte actuel de l’EPLA.

Pendant ce temps, les efforts se sont déployés pour améliorer cette position en déposant des amendements qui feraient passer le timide feu vert actuel en timide feu rouge.

La résolution adoptée par le Parlement européen, le 12 octobre 2006, intègre la moitié de ces amendements. Il en résulte un texte qui, loin de l’intention initiale d’apporter une caution au projet d’EPLA, affiche une méfiance envers la gestion a-démocratique appliquée par l’Office européen des brevets du système des brevets en Europe.


 Argumentaire

traduction pour la FFII France d’un texte de Florian Müller

EPLA : un projet sans contrôle démocratique

Le commissaire McCreevy soutient l’accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA)

Le 12 juillet, lors des auditions de la Commission européenne sur l’avenir du système de brevets en Europe, le commissaire au marché intérieur, Charlie McCreevy a déclaré qu’il était lui-même favorable à la proposition d’accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA). Le commissaire exposera ses plans concernant la politique des brevets lors de la séance plénière du jeudi 28 septembre au Parlement européen, où un débat suivra. Le jeudi 12 octobre, le Parlement votera plusieurs motions pour une résolution sur ce sujet.

Un projet non UE...

Le projet d’EPLA est, tout comme la Convention sur le brevet européen (CBE) de 1973, un traité non UE, et il établirait une nouvelle organisation non-UE, l’Organisation européenne du contentieux des brevets (OECB), qui créerait et dirigerait un nouveau tribunal non-UE, la Cour européenne des brevets (CEB). La CEB remplacerait les tribunaux nationaux des pays adhérents [2] à l’EPLA, en ce qui concerne tous les contentieux relatifs à la contrefaçon et/ou la validité des brevets accordés par l’Office européen des brevets (OEB). La CEB comprendrait une cour d’appel centralisée, probablement basée à Munich (où se situe d’ores et déjà le siège de l’OEB), et jusqu’à trois chambres régionales de première instance par pays.

...qui nécessitera très vraisemblablement l’implication de l’UE

Selon les services juridiques de la Commission, les États membres de l’UE ne seraient pas libres de signer l’EPLA d’eux-mêmes [3] : avec des litiges transfrontaliers [4] et le fait que le respect des droits de propriété intellectuelle [5] fasse déjà partie de l’acquis communautaire, la Communauté devrait s’impliquer dans un accord mixte. Certains des partisans de l’EPLA ne sont pas d’accord, craignant que la ratification de l’EPLA selon les procédures de l’UE, en particulier si le Parlement européen devait être codécideur, créerait un risque supplémentaire (et même supérieur) à l’exigence de trouver un accord lors d’une conférence intergouvernementale, suivi d’une ratifications dans les parlements nationaux. Lors d’une réunion publique [6] en juin, un directeur de la DG MARKT a parlé des possibilités d’obtenir un avis de la CECJ sur cette question institutionnelle. Étant donné les propos tenus par le commissaire McCreevy en faveur de l’EPLA et la pertinence éminente de la question, la Commission devrait demander un avis de la CECJ, et le plus tôt serait le mieux.

Des contentieux plus coûteux dans la plupart des cas et une qualité moindre des décisions juridiques

À l’heure actuelle, les brevets de l’OEB, qui sont des agrégats de brevets nationaux, ne peuvent être opposables à des tiers que pays par pays. Ceci est, il est vrai, moins efficace qu’un système de cour centralisée. Les partisans de l’EPLA, et à leur tête l’OEB, font reposer leur raisonnement officiel sur les prétextes suivants :

  • « Le coût de contentieux parallèles impliquant le même brevet dans plusieurs pays serait réduit. » Mais selon Nokia [7] et GlaxoSmithKline [8], les contentieux parallèles ne représentent qu’un faible pourcentage de toutes les poursuites concernant les brevets, alors que les estimations [9] montrent que le coût moyen dans la plupart des cas augmenteraient. Même une organisation de la taille de Nokia considère qu’il est suffisant d’opposer un brevet en justice dans un marché majeur afin de régler tous les conflits similaires à l’échelle européenne. Actuellement, le nombre total de procès concernant les brevets en Europe est relativement faible en valeur absolue ( 1 500/an).
  • « Les différences nationales dans l’application et l’interprétation de la CBE seraient éliminées. » On pourrait parvenir à ce résultat de meilleure manière à travers une directive d’harmonisation. Mais après l’expérience de la directive sur les brevets logiciels, que le Parlement européen avait fortement amendée en première lecture puis rejetée en seconde lecture, les partisans de l’EPLA préféreraient laisser l’harmonisation à des juges triés sur le volet et proches de l’OEB, plutôt qu’à des législateurs élus.
  • « La qualité et la fiabilité des décisions judiciaires augmenteraient en raison de la spécialisation. Dans certains pays, on manque de juges spécialisés dans le droit des brevets. » Mais même Nokia et GlaxoSmithKline ont déjà exprimé des réserves [10] sur cette affirmation. Et le projet d’EPLA permettrait à des membres des chambres de recours de l’OEB d’être (même simultanément [11]) juges à la CEB malgré leur manque d’expertise pour traiter de questions de contrefaçon et d’indemnisation : ils ont reçu une formation uniquement pour examiner ou réévaluer les demandes de brevets.
  • « L’EPLA, en particulier lorsqu’on l’associe avec le protocole de Londres concernant le régime de langues en vigueur pour les brevets de l’OEB, ouvrirait la voie au brevet communautaire. » Mais le couple formé par l’EPLA et le protocole de Londres sonnerait le glas du brevet communautaire, le rendant largement superfétatoire. Un brevet communautaire qui mériterait vraiment son nom serait délivré par une agence de l’UE, serait soumis à une juridiction de l’UE, et gouverné par une législation de l’UE (en particulier en ce qui concerne les règles de fond et les procédures judiciaires). Alors qu’un brevet communautaire délivré par l’OEB représenterait un arrangement problématique, il pourrait encore avoir une quelconque ressemblance avec l’idée originale du brevet communautaire, à condition qu’il soit soumis à une juridiction et une législation de l’UE.

Des PME touchées plus durement par l’augmentation du coût minimal d’un litige

Selon l’annexe 2 de l’étude des conséquences [12] réalisée par l’OEB, même un contentieux de petite à moyenne ampleur devant la CEB aboutirait à un coût global allant de 97 000 € à 415 000 € en première instance.

L’augmentation du coût d’un litige concernant les brevets bien au-delà du prix d’un contentieux national (à l’exception du Royaume-Unis) désavantage les PME. Dans la configuration actuelle (bien que parcellaire), une PME peut choisir de faire respecter ses propres brevets dans un endroit rentable, et si elle est accusée de contrefaçon, elle n’aura à assumer les risques et les coûts d’un procès que sur les marchés où elle exerce effectivement. À l’opposé, elle devrait avec l’EPLA faire face à un contentieux pan-européen pour un coût total plus élevé.

D’innombrables brevets logiciels accordés par l’OEB pouvant être opposables à des tiers

La position des fonctionnaires ministériels nationaux en charge des règles de fond de la politique des brevets est bien connue : au groupe de travail du Conseil de l’UE sur la législation concernant les brevets, ils ont élaboré la proposition de directive sur les brevets logiciels que le Parlement européen a rejeté en juillet 2005. Preuve est également faite de la « qualité »des décisions prises par les juges des chambres de recours de l’OEB : via le Conseil d’administration de l’OrgEB, ils nomment les membres des chambres de recours de l’OEB. Dans une décision particulièrement frappante cette année, une chambre de recours de l’OEB a stipulé qu’un média informatique devait être considéré comme technique, et par conséquent brevetable.

Alors que l’OEB a accordé des dizaines de milliers de brevets logiciels et continue de le faire, les tribunaux nationaux, particulièrement sur des marchés aussi importants que le Royaume-Unis ou l’Allemagne, ont invalidé de nombreux brevets logiciels dans leur pays. Plusieurs des partisans de l’EPLA qui se sont exprimés lors des auditions de la Commission du 12 juillet, y compris le Fraunhofer Institute et ProTon, se sont plaints de la fragilité du statut actuel des brevets logiciels en Europe. Après avoir échoué à réviser la CBE en 2000 et à faire passer la directive sur les brevets logiciels en 2005, certains intérêts particuliers soutiennent l’EPLA, principalement parce qu’il s’agit d’une nouvelle tentative d’appuyer les brevets logiciels sur une base juridique plus solide en Europe.

L’approche équilibrée des tribunaux nationaux sur les objets qui peuvent ou non être brevetables et sur le niveau requis de l’activité inventive est le plus grand avantage concurrentiel de l’Europe. Mais il est maintenant remis en question.

Une balance penchant du côté des ministres nationaux et de l’OEB au détriment de l’UE

L’OECB et la CEB seront résolument contrôlées par le même groupe de fonctionnaires ministériels nationaux qui dirigent l’OEB via le Conseil d’administration de l’Organisation européenne des brevets (OrgEB). On leur confierait la tâche de nommer, et périodiquement reconduire ou congédier, les juges. Il en résulte que la nouvelle Cour européenne des brevets (CEB) suivrait les pratiques d’octroi excessive et la faible qualité des standards de l’OEB. L’indépendance du pouvoir judiciaire serait remise en question de diverses manières, y compris par le fait que les membres des chambres de recours de l’OEB (qui sont des employés de l’OEB) pourraient simultanément être juges de la CEB.

Des fonctionnaires ministériels non élus auxquels on confierait toute autorité législative sur le code de procédure

Le Comité administratif de l’OECB aurait même le droit d’adopter [13] et d’amender [14] les Règles de procédure de la CEB, alors que celles-ci devraient être déterminées par des décideurs politiques. Ce problème structurel donne une raison de s’inquiéter encore plus forte que l’absence au stade actuel de règles de procédures pour la CEB. Il serait impensable qu’un État de droit démocratique permette à des fonctionnaires de décider par exemple du Code de procédure civile.

EPLA : en route pour les brevets logiciels

 Résolution adoptée par le Parlement européen

Édition définitive

P6_TA(2006)0416

Actions futures dans le domaine des brevets

Résolution du Parlement européen sur la future politique des brevets en Europe

Le Parlement européen,

— vu le Livre vert, du 24 juin 1997, de la Commission sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe – Promouvoir l’innovation par le brevet (COM(97) 314 final),

— vu la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (1),

— vu sa résolution du 26 octobre 2005 sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques (2),

— vu la consultation lancée par la Commission le 9 janvier 2006 sur la future politique des brevets en Europe,

— vu l’article 103, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que les lacunes des propositions de la Communauté relatives aux brevets ne seront probablement pas comblées dans un avenir prévisible,

B. considérant qu’un système de brevets efficace, compétitif, d’un rapport coût/bénéfice satisfaisant et accessible à tous est une exigence clé de la stratégie de Lisbonne dans la perspective d’une société compétitive fondée sur la connaissance, et revêt une importance cruciale pour le succès tant des petites et moyennes entreprises que des grosses sociétés,

C. considérant les préoccupations croissantes au sujet de brevets indésirables dans différents domaines et au sujet de l’absence de contrôle démocratique du processus selon lequel les brevets sont attribués, validés et défendus ;

1. demande instamment à la Commission d’explorer toutes les voies permettant d’améliorer les systèmes de brevets et de règlement des litiges relatifs aux brevets dans l’UE, y compris la participation aux discussions ultérieures sur l’Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) et l’adhésion à la Convention de Munich, ainsi que la révision des propositions de la Communauté relatives aux brevets ; en ce qui concerne l’EPLA, considère que le texte proposé requiert d’importantes améliorations pour répondre aux préoccupations concernant le contrôle démocratique, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges et une proposition satisfaisante pour le règlement de procédure du tribunal de l’EPLA ;

2. rappelle à la Commission que les propositions législatives doivent s’accompagner d’une sérieuse étude d’évaluation d’impact en ce qui concerne la qualité des brevets, la bonne gouvernance du système des brevets, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges ;

3. charge le service juridique du Parlement de donner un avis intérimaire sur les aspects intéressant l’UE, de l’éventuelle ratification de l’EPLA par des États membres, vu que les compétences de l’EPLA et l’acquis communautaire se recouvrent en partie, et de clarifier les compétences législatives en la matière ;

4. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, et aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1) JO L 213 du 30.7.1998, p. 13.
(2) Textes adoptés de cette date, P6_TA(2005)0407.


 Amendements

Recommandations de vote de la FFII
format utilisé au Parlement européen
  • Recommandations de vote pour les amendements à la motion inter-groupes (PPE-DE, ALDE et PSE) B6-0522/2006
amendement n° sujet source recommandation commentaire
8 Suppression de la « ratification de la Convention de Munich » Groupe d’eurodéputés ++ « rejoindre la CBE » contredit l’idée de « discussions » et de « révision ». « Rejoindre la CBE » n’est qu’une des nombreuses pistes de mesures pouvant être entreprises à l’issue des discussions. D’autres options sont possibles, parmis lesquelles l’inclusion de la CBE au niveau communautaire. La proposition consiste à explorer et à discuter de ces options, pas de sauter directement aux conclusions et de prendre des mesures.
7 Améliorations de l’EPLA sur le contrôle démocratique, l’indépendance judiciaire, le coût des litiges et le règlement de procédure Groupe d’eurodéputés ++ La demande « d’importantes améliorations » reste floue tant que la motion ne pointe aucun des problèmes qui nécessiterait d’être résolus.
1=2 Étude d’évaluation d’impact sur la qualité des brevets, la bonne gouvernance du système des brevets, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges PSE, PPE-DE 0 Ces inquiétudes sont sorties du contexte d’« importantes améliorations au texte de l’EPLA » et déplacées vers une étude d’évaluation d’impact routinière, i.e. à un stade où les décisions sont déjà prises.
5 Avis de la CJCE Verts/ALE ++ Une certitude juridique, qui ne peut être apportée que par une décision de la CJCE, est nécessaire.
10 Avis de la CJCE Groupe d’eurodéputés + Identique à l’amendement n° 6, qui est plus fort en insistant sur la transparence et la démocratie.
4=6 Évaluation d’impact de l’EPLA avant toute discussion GUE/NGL, Greens/ALE + Améliore les amendements n° 1 et 2 en conditionnant les discussions sur l’EPLA à une évaluation d’impact.
3=9 Considérant sur les préoccupations concernant les brevets indésirables et l’absence de contrôle démocratique GUE/NGL, Groupe d’eurodéputés + La demande « d’importantes améliorations » de l’article 1 a besoin de s’appuyer sur un considérant.

Amendements présentés selon l’ordre de vote officiel.

  • Texte de la motion inter-groupes

Résolution du Parlement européen sur la future politique des brevets en Europe

B6‑0522/2006

Le Parlement européen,

— vu le Livre vert, du 24 juin 1997, de la Commission sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe – Promouvoir l’innovation par le brevet (COM(97) 314 fínal),

— vu la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques(1),

— vu sa résolution du 26 octobre 2005 sur la brevetabilité des inventions biotechnologiques,

— vu la consultation lancée par la Commission le 9 janvier 2006 sur la future politique des brevets en Europe,

— vu l’article 103, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que les lacunes des propositions de la Communauté relatives aux brevets ne seront probablement pas comblées dans un avenir prévisible,

B. considérant qu’un système de brevet efficace, compétitif, d’un rapport coût/bénéfice satisfaisant et accessible à tous est une exigence clé de la stratégie de Lisbonne dans la perspective d’une société compétitive fondée sur la connaissance, et revêt une importance cruciale pour le succès tant des petites et moyennes entreprises que des très grosses sociétés,

1. demande instamment à la Commission d’explorer toutes les voies permettant d’améliorer les systèmes des brevets et de règlement des litiges relatifs aux brevets dans l’UE, y compris la participation aux discussions ultérieures sur l’Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) et sur la ratification de la Convention de Munich, ainsi que la révision des propositions de la Communauté relatives aux brevets ; en ce qui concerne l’EPLA, le texte proposé requiert d’importantes améliorations et une proposition satisfaisante pour le règlement de procédure du tribunal de l’EPLA ;

2. charge le service juridique du Parlement de donner un avis intérimaire sur les aspects intéressant l’UE, de l’éventuelle ratification de l’EPLA par des États membres, vu que les compétences de l’EPLA et l’acquis communautaire se recouvrent en partie, et de clarifier la compétence législative principale en la matière ;

3. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux gouvernements et aux parlements des États membres.

(1) JO L 213 du 30.7.1998, p. 13.

Source sur le site web du Parlement européen.

  • Analyse des amendements
  • Résumé de la position de la FFII

Les problèmes soulevés par la motion inter-groupes sont les suivants :

    • La motion demande l’adhésion de l’UE à la Convention sur le brevet européen. Ceci conduirait à léguer la plupart des compétences de la Communauté en matière de politique sur les brevets à l’Organisation européenne des brevets, et empêcherait par conséquent le Parlement européen d’avoir encore son mot à dire sur de nombreuses questions concernant les brevets. Ce problème est résolu par l’amendement n° 8 (ZVĚŘINA et autres).
    • La motion ne précise aucunement quels sont les problèmes actuels de l’EPLA, tels que les coûts ou les questions de gouvernance. Ce problème est résolu par l’amendement n° 7 (ZVĚŘINA et autres).
    • La motion ne demande pas l’avis de la CJCE concernant les questions de compétences sur les diverses options possibles (UE ou États membres adhérant à l’EPLA, UE adhérant à la CBE, CBE intégrée au droit communautaire, etc.), il n’y a donc aucune certitude juridique quant aux résultats. Ce problème est résolu par les amendements n° 5 (Verts/ALE, préférable) et n° 10 (ZVĚŘINA et autres).
    • La motion ne demande pas de sérieuse étude d’impact avant de lancer telle ou telle initiative. C’est également le cas des amendements n° 1 (PSE) et n° 2 (PPE-DE). Il est extrêmement difficile de revenir sur une décision telle que celle d’adhérer à l’EPLA et les conséquences seront lourdes. Une étude d’impact a priori est donc nécessaire. Ce problème est résolu par les amendements n° 4 (GUE/NGL) et n° 6 (Verts/ALE).
    • Enfin, de nombreuses précédentes résolutions du Parlement européen concernant les brevets ont mis l’accent sur le problème de gouvernance de l’OEB et des problèmes occasionnés par son acceptation de brevets indésirables. Étant donné les pouvoirs accrus que l’EPLA accorderait à l’Organisation européenne des brevets, ce problème de gouvernance est plus grave que jamais. Ce problème est résolu par les amendements n° 3 (GUE/NGL) et n° 9 (ZVĚŘINA et autres).

Sources sur le site web du Parlement européen.

  • Amendements du PSE et du PPE-DE

AMENDEMENT 1

déposé par Maria Berger et Michel Rocard au nom du groupe PSE

Paragraphe 1 bis (nouveau)

1 bis. rappelle à la Commission que les propositions législatives doivent s’accompagner d’une sérieuse étude d’évaluation d’impact en ce qui concerne la qualité des brevets, la bonne gouvernance du système des brevets, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges ;

AMENDEMENT 2

déposé par Klaus-Heiner Lehne et Piia-Noora Kauppi au nom du groupe PPE-DE

Paragraphe 1 bis (nouveau)

1 bis. rappelle à la Commission que les propositions législatives doivent s’accompagner d’une sérieuse étude d’évaluation d’impact en ce qui concerne la qualité des brevets, la bonne gouvernance du système des brevets, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges ;

  • Amendements du GUE-NGL

AMENDEMENT 3

déposé par Umberto Guidoni au nom du groupe GUE/NGL

Considérant B bis (nouveau)

B bis. considérant les préoccupations croissantes au sujet de brevets indésirables dans différents domaines et au sujet de l’absence de contrôle démocratique du processus selon lequel les brevets sont attribués, validés et défendus,

AMENDEMENT 4

déposé par Umberto Guidoni au nom du groupe GUE/NGL

Paragraphe 3 bis (nouveau)

3 bis. demande à la Commission de préparer d’urgence, avant de participer à toute nouvelle discussion sur une éventuelle implication de l’UE, une évaluation d’impact de l’EPLA ;

  • Amendements des Verts

AMENDEMENT 5

déposé par Eva Lichtenberger au nom du groupe Verts/ALE

Paragraphe 2

2. charge son Président de demander l’avis de la Cour de justice européenne sur les aspects intéressant l’UE, de l’éventuelle ratification de l’EPLA par des États membres, vu que les compétences de l’EPLA et l’acquis communautaire se recouvrent en partie, et de clarifier la compétence législative principale en la matière ; demande en outre que cet avis soit examiné par le Parlement afin que la future décision sur ce sujet soit publique, transparente et démocratique ;

AMENDEMENT 6

déposé par Eva Lichtenberger au nom du groupe Verts/ALE

Paragraphe 2 bis (nouveau)

2 bis. demande à la Commission de préparer d’urgence, avant de participer à toute nouvelle discussion sur une éventuelle implication de l’UE, une évaluation d’impact de l’EPLA ;

  • Amendements de plusieurs eurodéputés soutenus par la FFII

AMENDEMENT 7

déposé par Jaroslav Zvěřina, Marco Cappato, Kader Arif, Bernadette Bourzai, Marc Tarabella, Jean Louis Cottigny, Gilles Savary et autres

Paragraphe 1

1. demande instamment à la Commission d’explorer toutes les voies permettant d’améliorer les systèmes des brevets et de règlement des litiges relatifs aux brevets dans l’UE, y compris la participation aux discussions ultérieures sur l’Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) et sur la ratification de la Convention de Munich, ainsi que la révision des propositions de la Communauté relatives aux brevets ; en ce qui concerne l’EPLA, le texte proposé requiert d’importantes améliorations pour répondre aux préoccupations concernant le contrôle démocratique, l’indépendance judiciaire et le coût des litiges et une proposition satisfaisante pour le règlement de procédure du tribunal de l’EPLA ;

AMENDEMENT 8

déposé par Jaroslav Zvěřina, Marco Cappato, Kader Arif, Bernadette Bourzai, Marc Tarabella, Jean Louis Cottigny, Gilles Savary et autres

Paragraphe 1

1. demande instamment à la Commission d’explorer toutes les voies permettant d’améliorer les systèmes des brevets et de règlement des litiges relatifs aux brevets dans l’UE, y compris la participation aux discussions ultérieures sur l’Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) et ( suppression ) la révision des propositions de la Communauté relatives aux brevets ; en ce qui concerne l’EPLA, le texte proposé requiert d’importantes améliorations et une proposition satisfaisante pour le règlement de procédure du tribunal de l’EPLA ;

AMENDEMENT 9

déposé par Jaroslav Zvěřina, Marco Cappato, Kader Arif, Bernadette Bourzai, Marc Tarabella, Jean Louis Cottigny, Gilles Savary et autres

Considérant B bis (nouveau)

B bis. considérant les préoccupations croissantes au sujet de brevets indésirables dans différents domaines et au sujet de l’absence de contrôle démocratique du processus selon lequel les brevets sont attribués, validés et défendus,

AMENDEMENT 10

déposé par Jaroslav Zvěřina, Marco Cappato, Kader Arif, Bernadette Bourzai, Marc Tarabella, Jean Louis Cottigny, Gilles Savary et autres

Paragraphe 2

2. charge son Président de demander l’avis de la Cour de justice européenne sur les aspects intéressant l’UE, de l’éventuelle ratification de l’EPLA par des États membres, vu que les compétences de l’EPLA et l’acquis communautaire se recouvrent en partie, et de clarifier la compétence législative principale en la matière ;


 Avis intérimaire du service juridique du Parlement européen

La résolution du 12 octobre avait « [chargé] le service juridique du Parlement de donner un avis intérimaire sur les aspects intéressant l’UE, de l’éventuelle ratification de l’EPLA par des États membres, vu que les compétences de l’EPLA et l’acquis communautaire se recouvrent en partie, et de clarifier les compétences législatives en la matière ».

Cet avis a été rendu début février 2007 et publié sur le blog d’IPEG. Il a également fait l’objet d’un article sur Out-Law.com. Le texte peut ainsi être consulté en anglais.

Les conclusions du service juridique du Parlement européen sont sans appel :

1) L’objectif de l’accord sur l’établissement d’un système de règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA) est d’établir l’Organisation européenne du contentieux des brevets pour régler les litiges concernant les infractions et la validité des brevets européen.

2) Là où des règles communes ont été adoptées, les États membres de la Communauté européenne n’ont désormais plus le droit, qu’ils agissent individuellement ou même collectivement, d’entreprendre envers des pays non membres des obligations qui affecteraient ces règles.

3) La directive 2004/48/CE harmonise les législations nationales sur le respect des droits de propriété intellectuelle. Non seulement l’EPLA régirait des sujets déjà traités par cette directive, mais il existe également des contradictions entre les deux instruments sur un certain nombre de sujets.

4) L’EPLA vise à établir des règles dans certains domaines régis par le règlement 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions. Malgré les dispositions spécifiques de l’EPLA régissant ses relations avec ce règlement, la conclusion de l’EPLA affecterait l’application uniforme et cohérente des règles communautaire sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

5) La conformité à l’article 98 de l’EPLA constituerait de prime abord un manquement à l’article 292 du Traité CE.

6) Il s’en suit que la compétence de la Communauté est exclusive pour les sujets régis par l’EPLA et que les États membres ne sont par conséquent pas habilités à conclure cet accord de leur propre côté.

Outre cette conclusion, les points 53 et 54 de ce document sont particulièrement intéressants. Une interprétation grossière pourrait en être que le tribunal de l’EPLA peut faire ce que bon lui semble, par exemple interpréter les textes de Bruxelles littéralement au lieu de se baser sur les véritables intentions, et la Cour de justice des Communautés européenne serait incapable d’y redire quoi que ce soit.

On peut également remarquer, aux points 35 à 38, les contradictions entre l’EPLA et la directive 2004/38 (IPRED). Les disparités entre les deux textes sont ainsi « préjudiciables au fonctionnement correct du Marché intérieur et rendent impossible de s’assurer que les droits de propriété intellectuelle bénéficient d’un degré de protection équivalent à travers la Communauté ». Cela devient cocasse lorsque l’on sait que les principaux partisans de l’EPLA au Parlement européen, au nom de l’harmonisation des litiges en Europe, étaient également les promoteurs de la directive IPRED, comme Mme Janelly Foutrou, rapporteur pour cette directive, au nom de l’harmonisation du Marché intérieur !

Mais ce qu’il faut retenir est que la Commission est seule habilitée à négocier des modifications de l’EPLA afin que l’accord soit conforme au droit communautaire. Puis la Communauté européenne, et non les États membres de leur propre côté, pourrait adhérer à l’EPLA — ce qui implique également que la Communauté adhérerait à la Convention sur le brevet européen. Mais avec de telles incompatibilités juridiques, comme soulignées dans cet avis, on voit mal comment l’EPLA pourrait être corrigé pour se conformer au droit communautaire.

La conclusion que l’on peut tirer de cet avis juridique — reflétant ce que ce dossier a toujours présenté — semble être que l’EPLA est une impasse pour ceux qui veulent améliorer le système de brevets en Europe.


[2Le projet d’EPLA autoriserait l’adhésion des États contractant de l’Organisation européenne des brevets (OrgEB). L’OEB est un organe de l’OrgEB. Les États contractants de l’OrgEB comptent 24 États membres de l’UE (tous, excepté Malte), les bientôt membres Bulgarie et Roumanie, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Suisse et la Turquie.

[3Voir le questionnaire sur le système des brevets en Europe, section 3 / page 7.

[4Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

[5Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

[7« En ce qui concerne le coût, nous aimerions souligner qu’il est inhabituel, du moins selon notre expérience, d’engager des procédures concernant un brevet dans plus d’un pays européen, et encore plus inhabituel d’engager simultanément des procédures concernant un brevet dans plusieurs pays européens. Il est par conséquent inquiétant si, comme l’a estimé l’OEB, une procédure centralisée coûtait plus du double d’une procédure nationale en France ou en Allemagne [...] » (traduction par nos soins de la présentation de Tim Frain)

[8Lors de la récente conférence à Londres sur l’avenir du contentieux concernant les brevets en Europe (« Future of Patent Litigation in Europe »), le vice président en propriété intellectuelle de GlaxoSmithKline, David Rosenberg, a estimé que seuls 5% à 10% de toutes les poursuites pour contrefaçon de brevet en Europe (dans tous les secteurs) se rapportaient à des contentieux parallèles relatifs au même brevet dans au moins deux pays.

[9L’OEB, agissant en tant que secrétariat du groupe de travail en charge de l’EPLA, a publié une étude des conséquences. Étant donné le soutien de l’OEB à l’EPLA, on serait en droit de supposer que l’OEB présenterait délibérément l’EPLA sous un jour aussi avantageux que possible. Or, dans la grande majorité des cas (les contentieux de petite à moyenne ampleur), le coût minimum d’un contentieux augmenterait considérablement par rapport au statu quo dans la plupart des pays, excepté le Royaume-unis et son système judiciaire onéreux. Voir l’annexe 1 de l’étude des conséquences de l’EPLA par l’OEB.

[10Lors de la récente conférence à Londres sur l’avenir du contentieux concernant les brevets en Europe (« Future of Patent Litigation in Europe »), le vice président en propriété intellectuelle de GlaxoSmithKline, David Rosenberg, a déclaré que la création d’un nouveau système de tribunaux entraînerait des risques considérables concernant les futures décisions. La position défendue par Nokia lors des auditions de la Commission du 12 juillet comporte une section intitulée « Fiabilité des décisions — nouveaux risques ».

[11Les articles 2(b) et 6(1) du projet de statut de la Cour européenne des brevets autoriseraient un membre d’une chambre de recours de l’OEB a être en même temps juge de la CEB.

[12Voir les points 7 et 8

[13Article 87 du projet d’EPLA.

[14Article 17, paragraphe 2, point a du projet d’EPLA.