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IPRED II - Lutte contre la contrefaçon : la justice contrefaite

vendredi 27 avril 2007, par Gérald Sédrati-Dinet (gibus)

Paris, le 27 avril 2007 — Le Parlement européen a voté le 25 avril 2007 en première lecture le projet de directive IPRED II, la seconde directive sur le respect des droits de « propriété intellectuelle » (Intellectual Property Rights Enforcement Directive) [1]. Malgré le vote de quelques limitations [2], l’APRIL et la FFII dénoncent un texte qui menace de criminaliser des consommateurs, crée un délit d’incitation à la contrefaçon entraînant des responsabilités pour les éditeurs de logiciels et étend les pouvoirs des titulaires de droits en leur donnant le statut d’auxiliaire de police.

Le BEUC (Bureau Européen des Unions de Consommateurs) [3] critique à juste titre une mauvaise loi et une ingérence massive des titulaires de droits dans les enquêtes et procédures judiciaires des États membres. L’APRIL et la FFII s’opposent notamment, comme le BEUC, au fait qu’un titulaire de droits se plaignant par exemple d’une violation de droits d’auteur aura le droit d’accompagner la police lors des perquisitions chez le « suspect ». Pire, la police pourrait transmettre au titulaire de droits les « preuves » obtenues. On peut craindre que la prochaine étape sera pour ces sociétés privées de pouvoir se substituer à la police et à la justice, comme le demande par exemple Vivendi Universal depuis des années [4]. Le BEUC s’inquiète également de l’utilisation de ce texte pour des pratiques anti-concurrentielles : « Si Microsoft, par exemple, devait se plaindre d’un concurrent potentiel des inspecteurs de Microsoft auraient le droit d’accompagner la police pour perquisitionner les bureaux et dossiers du suspect. »

La directive IPRED II s’inspire de la première version d’une directive rédigée en 2003 par Janelly Fourtou, eurodéputée ALDE (UDF) et épouse du PDG de Vivendi Universal. Pour mémoire, Madame Fourtou déclarait, dès la seconde lecture de l’EUCD en 2001 [5] : « Pour protéger les oeuvres contre les copies illégales, les ayants droit doivent avoir la possibilité d’utiliser des protections techniques. C’est pourquoi il faut combattre ce que l’on appelle les « hackers » en sanctionnant l’offre qu’ils font au public des moyens de neutraliser ces mesures de protection, incitant ainsi à la piraterie d’oeuvres protégées. » En 2003, la proposition de Janelly Fourtou de création d’un délit pénal européen d’incitation à la contrefaçon avait été rejetée. Aujourd’hui avec IPRED II ce projet est de retour.

Le gouvernement français, dans le projet de loi DADVSI, avait anticipé l’adoption des dispositions de la directive IPRED II, quand il avait proposé aux parlementaires d’introduire des sanctions pénales pour « le fait, en connaissance de cause, de faire connaître, directement ou indirectement », un logiciel neutralisant une protection, et ce même si cela est nécessaire pour lire un DVD avec l’outil de son choix ou pour convertir un fichier protégé à un format ouvert.

Comme le souligne Philippe Aigrain, dans son livre « Cause Commune » [6], cette directive « institue des mesures préventives extrêmes pour les infractions, même imminentes ou supposées, à des droits incertains dans leur validité, strict équivalent dans le champ juridique des guerres préventives dans le champ stratégique ».

L’APRIL et la FFII France, à travers l’initiative Candidats.fr, ont interrogé les candidats à la présidentielle sur un certain nombre de sujets dont le projet de directive IPRED II. Dans sa réponse [7], Ségolène Royal a notamment indiqué qu’il y avait un « risque de voir ce texte utilisé par de grandes entreprises, disposant d’une crédibilité importante, pour asphyxier de petits compétiteurs au prétexte de contrefaçon (de brevet ou de modèle, par exemple), laissant traîner le dossier au fond et finissant par l’emporter par dépôt de bilan du défendeur ». IPRED II devant, selon la candidate, être fortement amendé voire reporté en attendant l’évaluation objective des effets de la directive IPRED I. Nicolas Sarkozy [7], lui, n’a pas répondu à la question sur IPRED II.

Le texte de la directive IPRED II devant passer prochainement devant le Conseil de l’Union Européenne en première lecture, l’APRIL et la FFII France souhaitent donc connaître la position de Nicolas Sarkozy ainsi qu’avoir des précisions sur celle de Ségolène Royal, suite au vote en première lecture par le Parlement Européen, pour connaître la position que la France défendra devant le Conseil.

« La proposition de directive IPRED II ne fait qu’aggraver l’insécurité juridique découlant déjà de la directive EUCD, alors même que celle-ci est largement remise en cause » a déclaré Benoît Sibaud, président de l’APRIL. Gérald Sédrati-Dinet, président de la FFII France, ajoute « la pression dogmatique des détenteurs de droits de « propriété intellectuelle » pour obtenir plus de pouvoirs fait oublier les principes de bases d’une justice indépendante. En l’état, cette directive assigne aux enquêteurs un chien policier qui ne demande qu’à mordre ceux qui sont accusés de lui avoir volé son os. Que l’on soit coupable ou non, la morsure laissera des traces ».

L’APRIL et la FFII France demandent donc solennellement aux deux candidats à la présidentielle de prendre l’engagement que la France s’opposera au projet de directive lors de la réunion du Conseil.

 Références

  • [2] exclusion des brevets du champ de la directive ; utilisation équitable (« fair use ») à des fins de critique, de commentaire, de reportage, d’enseignement, d’érudition ou de recherche ne constituant pas une infraction pénale ; et interdiction et sanction de toute utilisation abusive de menaces de sanctions pénales.

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