Accueil > Acteurs > Conference-de-presse-apres-le-rejet-par-le-Parlement-europeen-de-la-directive-su

Conference-de-presse-apres-le-rejet-par-le-Parlement-europeen-de-la-directive-sur-les-brevets-logiciels

mercredi 6 juillet 2005, par Rene Paul Mages (ramix), Gérald Sedrati-Dinet (gibus)

6 juillet 2005 : La FFII retranscrit la conférence de presse de Josep Borrell et Michel Rocard, donnée aujourd’hui après que le Parlement européen a voté à la quasi-unanimité le rejet de la directive sur les brevets logiciels.

 Source

  • Source audio : (gauche : version orginale / droite : traduction anglaise)

 Président Josep Borrell 00:31-06:35 (espagnol/anglais)

Merci beaucoup à tous. Ce qui s’est passsé aujourd’hui au Parlement européen montre que l’Europe est à la croisée des chemins mais n’est pas paralysée. Et nous ne somme pas en panne. Nous continuons de traiter d’importants sujets. Et aujourd’hui, nous avons eu un vote que nous pouvons qualilifié si ce n’est d’historique, en tout cas sans précédent. Je pense que c’est la première fois si je ne m’abuse que le Parlement européen rejette une position commune du Conseil. En quelques occasions, le Parlement a rejeté le résultat de la procédure de Conciliation. Mais aujourd’hui, il a rejeté une position commune du Conseil. Et d’une manière écrasante. 648 voix pour et 14 contre. Il s’agit peut-être du vote le plus unanime que nous ayons eu.

Le rapporteur, M. Rocard, a travaillé dur sur le sujet et vous en expliquera les détails techniques, enfin pas seulement techniques, mais les détails sur ce qui est en jeu ici aujourdhui.

Maintenant, j’aimerais seulement préciser l’importance critique que cela revêt pour l’équilibre interinstitutionnel et pour le rôle que revendique le Parlement. J’aimerais souligner que qu’à trois occasions, le parlement avait précédemment rejeté la proposition de la commisison de conciliation : sur les biotechniques, les OPA et les services portuaires en 2003. Mais cette fois, nous avons, comme je l’ai déjà dit, rejeté la position commune du Conseil, et nous l’avons fait après avoir au préalable demandé au Conseil — pardon, à la Commisison — de retirer sa proposition. La Commission — très courtoisement bien entendu — nous a totalement ignoré. Nous leur avons demandé de retirer leur proposition et ils ont répondu qu’ils voulaient la maintenir. Et bien voilà maintenant le résultat. Et j’espère que la Commission en prendra bonne note, ainsi que le Conseil. La Commission propose, mais elle ne décide pas, elle ne dispose pas. Ce sont les organes législatifs qui décident : le Conseil et le Parlement. Et les deux le font sur un pied d’égalité. Cette fois-ci, le Parlement l’a démontré et c’est un tournant de plus dans l’histoire du Parlement, qui assume ses responsabilités et les exerce. Aujourd’hui, ils n’ont pas voulu retirer leur proposition et ils ont obtenu 648 votes contre eux.

Je dois également ajouter que j’ai trouvé totalement inappropriée, la manière dont se sont conduits certains Commissaires, qui ont averti — et « avertir » est un euphémisme — avant le vote du Parlement, que si ce dernier rejetait la proposition de directive, ils n’en présenteraient pas d’autre. Bien entendu, la Commission a le monopole sur la prise d’initiatives — je veux dire par là que juridiquement, ils ont le droit de dire cela — mais les Commissaires sont extrêmement bien payés pour prendre en charge des problèmes et y proposer des solutions qui puissent être soutenues par les législateurs. Et s’il y a un problème et que la solution qu’ils proposent ne convainc pas ceux qui doivent la soutenir, et qu’ils pensent que le problème est toujours là, ils doivent proposer une autre solution. Sinon, ils ne remplissent pas leur fonction. Et j’espère que je pourrai parler avec M. Barroso de cette attitude qui ne correspond pas à l’esprit de l’accord que nos institutions ont toutes deux signé, pour remplir leur fonction respective de manière coordonnée.

Il y a un problème. Et la solution qui est proposée n’est pas satisfaisante. C’est très clair, nous l’avons vu dans le vote et M. Rocard expliquera pourquoi. Maintenant, la Commission peut très bien dire « et bien, laissons les choses en l’état », mais je ne pense pas que ce soit une manière raisonnable d’exercer leur fonction.

Maintenant, nous aurons l’opportunité d’en débattre. Mais j’aimerais rappeler qu’après le rejet sur les biotechniques et les OPA, de nouvelles directives ont été proposées et accepteés ensuite par le Parlement. Et au sujet des services portuaires, une nouvelle directive est en train d’être débattue. Je ne peux donc pas dire que la Commission n’a pas formellement respecté l’accord entre nos deux institutions, mais je pense que nous pouvons travailler de manière plus coordonnée pour le bien commun de l’Europe.

Je suis très heureux que le Parlement ait clairement marqué sa position. Bien entendu, il aurait été mieux si, parmis nous tous, nous avions pu trouver un accord sur des amendements spécifiques et si nous avions pu avancer. Mais les différences entre la position du Parlement et celle de la Commission et du Conseil étaient telles que nous sommes parvenus à ce résultat, auquel on pouvait s’attendre. Et j’espère qu’on prendra davantage en compte le Parlement à partir de maintenant. Le rapporteur...

 Rapporteur Michel Rocard 06:35-23:25 (français/anglais)

  • Transcription en français

Merci Monsieur le Président, je crois en effet que ce vote est tout à fait important. Je commencerai par dire que s’il n’y avait eu que le désaccord interne au Parlement et le fait que ce désaccord était à peu près moitié-moitié, je ne suis pas sûr du tout que le résultat aurait été ce qui vient de se passer. L’argument de plus qui a donné une telle extension et un tel enthousiasme à la décision de rejet, c’est la volonté du Parlement de faire ce que le Président vient de décrire : d’envoyer au Conseil et à la Commission un signal de grande vigueur : vous n’allez pas continuer à traiter le Parlement comme vous l’avez fait. Sur ce dossier là : mépris total arrogant et sarcastique de la Commission et du Conseil en public des arguments et des positions choisies par le Parlement en Première lecture ; rédaction de la proposition pour la deuxième lecture par la Commision sans consultation aucune du Parlement, de ses porte-paroles de ses rapporteurs et de ses rapporteurs fictifs, aucune ; et enfin tentative même d’étouffer le débat au Conseil, où à trois reprises — alors qu’il n’était pas mûr — la Commision a poussé à essayer de le faire adopter sans débat, c’est-à-dire en point A.

Mesdames et messieurs les journalistes, l’Europe est ostensiblement en crise, notamment dans mon pays, mais vous avez vu que l’inquiétude commence à percer jusqu’au Luxembourg... Je suis convaincu pour ma part que l’insuffisance de démocratie en Europe est une composante non négligeable de cette crise. Et j’affirme ici que le Conseil par la manière dont il se comporte fréquemment mais surtout dans ce dossier, où c’est exemplairement scandaleux, porte une grande responsabilité dans cette crise et je remercie beaucoup Monsieur le Président du Parlement européen, mon ami Josep Borrell, d’avoir décidé d’attirer votre attention sur cette importance.

Ce rejet prend aussi une grande importance quant à la substance même du sujet. D’abord il s’agit d’un problème de demain ; je me bats sur un problème de demain et non pas d’un problème d’hier, ce qui soulage un peu de ce que sont trop souvent les tristounettes salades politiciennes nationales auxquelles nous assistons beaucoup. Nous sommes sur aute chose et c’est plus lourd. L’enjeu économique du débat sur la brevetabilité des inventions aidées par ordinateur est à quelques dizaines de milliards de dollars par an selon la solution choisie. Vous le savez sans doute, c’est probablement l’un des plus gros dossier, du point de vue de l’ampleur, que le Parlement ait jamais eu à traiter. Sur le plan éthique — mais oui, éthique ; ou d’abord éthique — c’est tout le problème de savoir s’il est possible dans le domaine immense, complexe, mal maîtrisé, des nouvelles techniques de traitement de l’information, de préserver des principes aussi essentiels, aussi fondamentaux, que la liberté de circulation des idées et la préservation de la concurrence — puisqu’un brevet est un monopole.

J’arrive maintenant, mesdames et messieurs, à une vraie question pour moi-même : est-ce que je rentre dans le détail du sujet. Car il est complexe. Sujet essentiel, mais terriblement compliqué. On a été à l’école pendant deux ans au Parlement européen, et moi-même qui ne connaissais rien au sujet il y a trois ans, j’aime mieux vous dire qu’il a fallut que j’apprenne. Je vais essayer de toucher à la substance de cette affaire au plus bref.

Depuis 6OOO ans l’humanité n’a guère progressé. Moralement, elle aime toujours à s’entretuer. On ne sait pas si elle a progressé esthètiquement : toute la beauté du monde est déjà soit à Lascaux, soit dans la haute Egypte. On compare : il n’y a pas de progrès. Le seul progrès connu, il est technique. Comment s’est-il fait ? Par la copie et le développement de nouveaux savoirs par l’enrichissement de cette copie. Cela a entrainé, quand on a commencé à vouloir rémunérer les producteurs et leur donner leurs droits sur leurs oeuvres, à créer le droit d’auteur, qui est une protection de la rémunération du créateur et une protection aussi de son droit moral de ne pas voir son oeuvre détériorée ou dénaturée de son vivant. Puis, l’esprit inventif de l’humanité s’est mis à inventer des choses plus complexes, des objets notamment, dont l’invention comportait une mise en jeu, soit de matière, soit d’énergie. soit d’outillage, soit des trois, il fallait être payé et rémunéré. Donc il y avait un coût. Alors que les inventions littéraires, poétiques, musicales — les inventions mathématiques aussi — n’ont pas d’autre coût que la qualité d’une cervelle, une feuille de papier et un crayon. On a même inventé le brevet. Depuis le brevet, la ligne de départage est claire. On ne brevète pas les notes d’un accord de musique ; on ne brevète pas les rimes d’un poème ; on ne brevète pas — c’est le grand Einstein qui l’a dit lui-même : une formule mathématique n’est pas brevetable. Un logiciel n’est qu’une collection de formules mathématiques. Il y a même un art d’écriture : ils se lisent entre mathématiciens — ce talent m’échappe — mais on ne brevète pas les logiciels. C’est même écrit en toutes lettres dans l’article 52, paragraphe 2 de la Convention de 1973, signée à Munich, et qui régit les brevets en Europe et a créé l’Office européen des brevets. Depuis la création de cette Convention, les choses ont évoluées. Et c’est là que j’arrive à la difficulté : des logiciels il y en a partout. Chacun d’entre vous doit avoir un portable sur lui — nous souhaitons tous que vous l’ayez éteint le temps de cette conférence de presse — je pense qu’il doit y avoir au moins cinquante à soixante logiciels dans chacun de vos portables. Ils sont incorporés. Il n’y a plus une machine à laver , il n’y a plus une voiture... Enfin, nous vivons tous avec des logiciels partout dans nos poches — sans même savoir qu’il y en a. Quant à l’idée de conduire une voiture automobile sans, pas possible non plus. La distinction est devenue dure à tenir. Le logiciel n’est pas brevetable. Mais il est vrai que petit à petit on a inventé des choses : le système de freinage ABS, les programmes de machines à laver... enfin, il y en a des quantités, dans lesquelles vous avez besoin de calculs. L’alimentation pour ce calcul est prise dans la nature, dans l’univers physique, par des capteurs — appelez-les n’importe comment. Sur le freinage ABS, il faut donner l’indication que le sol est gelé ou verglacé ou pas, de l’angle de tournage de la voiture, de l’inclinaison de la voiture... Il y a des capteurs pour cela. Ils sont physiques, ils sont brevetables. Ils transforment en données compréhensibles par le logiciel ces informations. Le logiciel n’est pas brevetable. Il faut sortir du logiciel qui produit ces résultats de calcul dans la seule langue de l’ordinateur, que ni vous ni moi, ni une autre machine ne peuvent lire. À la sortie, on va produire une mise en mouvement d’une pièce, ou un signal lumineux, radio électrique ou électrique. Il faut aussi les effecteurs pour faire ce boulot, ils sont brevetables.

Soit un programme de machine à laver — vous en avez chez vous. Le vôtre ne vous suffit pas, vous vous apercevez que sur le marché, il y a un progrès, inouï. Enfin pas vous, vos compagnes... Puisqu’il y a encore une certaine asymétrie dans le traitement familial du problème. Un nouveau programme va être flamboyant, il peut très bien résulter seulement du changement du logiciel, sans qu’il y ait eu aucun changement dans les capteurs d’informations qui alimentent le programme, ni dans les effecteurs qui font tourner. La définition d’un brevet comporte la description du résultat qu’on en attend de cette invention. L’invention étant le combiné des trois. Si le logiciel n’est pas brevetable, certains tribunaux et certains industriels peuvent être conduits à pleurer devant la disparition de leur brevets, puisque le changement du résultat par rapport à la phase initiale, disqualifie en tant que brevet l’ensemble de l’invention, puisqu’on lui fait dire autre chose. C’est rebrevetable. On peut redemander, puisque la description du résultat espéré fait partie de la revendication du brevet.

Mesdames et messieurs, cela n’a pas suffit aux grands mangeurs de brevets, que sont aujourdhui nos très grandes sociétés informatiques : Honeywell, Microsoft — qui est champion dans l’affaire — mais aussi Phillips, Alcatel, Nokia — il y en a pour tout le monde. Et petit à petit, l’idée de breveter le logiciel lui-même, ou plutot l’idée de breveter l’ensemble — les capteurs, le logiciel et les effecteurs — dans des conditions où le logiciel soit partie prenante du brevet, s’est répandue. Pour votre information, toute la Silicon Valley, toute l’industrie informatique, toute l’industrie de création de logiciels est née et s’est développée pendant vingt ans sans rien de tel. La Silicon Valley est née sous le copyright, on n’en avait pas besoin [de brevets]. L’idée de breveter vient des États-Unis, où il n’y a pas de loi qui régit le sujet. C’est donc un comportement de l’Office américain des brevets, validé par quelques tribunaux de base. Aujourd’hui — enfin il y a deux ans — l’Office américain des brevets a lancé une étude sur le sujet et s’aperçoit que la détention de brevets par les grandes sociétés crée une difficulté d’accès, un coût, tels que les petites entreprises et les chercheurs individuels n’ont plus accès. Le caractère proliférant de la création chaque année des logiciels, dont 90% sont crées par des chercheurs individuels ou des PME diminue. On tue cette activité. Les grands se battent entre eux, et passent même entre eux des accords d’échange de patrimoine de brevets, pour se débarasser entre eux sur une filiaire industrielle précise, des effets désastreux de la politique de brevetage qu’ils imposent à tous les autres. Nous sommes dans cette affaire des défenseurs de la concurrence — le brevet est un droit à monopole — en même temps que des défenseurs de la créativité et des moyens d’accès à cette activité chez les créateurs individuels et chez les petites et moyennes entreprises, tout comme nous continuons à défendre le principe constitutionnel de la libre circulation des idées. Vous voulez sourire : il y a cinq plaintes de la Cour suprême des États-Unis pour viol de la Constitution, c’est-à-dire viol de la liberté de circulation des idées, ce qui est pénal et vaudrait par exemple à notre ami Bill Gates, non seulement une grosse amende, mais probablement de la prison. Il s’agit d’un sujet sur lequel personne n’a envie de plaisanter, dont la gravité est énorme : c’est le statut du savoir dans la civilisation de demain. Va-t-on monopoliser le savoir, ce que l’on n’avait jamais fait jusqu’ici et qui explique le prodigieux développement de l’humanité.

Voila l’enjeu de ce débat. Nous ajoutons fermement à l’adresse de nos très grandes sociétés que nous ne pensons pas que la stratégie de constitution de grands patrimoines de brevets, dans laquelle elles se sont lancées les unes contre les autres, soit efficace à terme. La Chine produit deux millions et demi d’ingénieurs informaticiens chaque année. On ne tiendra jamais dans le rapport de force. Alors que la liberté d’accès aux logiciels serait une meilleure défense, bien entendu. Donc, nous contestons l’argument que vous avez entendu, qui est : ils vont nous faire faillite, ils vont nous affaiblir et ils vont faire gagner les Chinois et les Américains à nos dépends. Ce n’est pas vrai. D’autant d’ailleurs, pragmatiquement, que les sociétés en question, qui veulent se défendre, ont la possibilité de se faire breveter sous le régime chinois sur le marché chinois et de se faire breveter sous le régime américain sur le marché américain. Détail majeur : l’immense pays qu’est l’Inde — de première importance dans nos activités — vient de supprimer les brevets de logiciels chez lui. Dans cette affaire, le Parlement européen a pris conscience. Il y avait probablement quarante députés qui savaient de quoi on parlait quand tout a commencé il y a trois ans. Tout le monde est au courant maintenant. La découverte de ces enjeux a eu un effet complètement révélateur. Et nous avons travaillé, nous avons auditionné comme sur pas beaucoup de dossiers. Et puis nous avons eu un sentiment désagréable : la Commission, complice de Microsoft, et le Conseil des ministres, au recu des positions très majoritaires — le Parlement était aux deux tiers pour changer la position en première lecture — nous ont répondu avec sarcasme et mépris, mais jamais sur le fond. Nous avons eu l’impression qu’une phrase comme « que faites-vous de la liberté de circulation des idées ? » ou comme « considérez-vous comme prioritaire de maintenir partout, sur tous les marchés, la concurrence ? » est, par les ingénieurs et les financiers qui dirigent ces activités, du chinois ou de l’hébreu. Ce n’est pas leur vocabulaire. Leur vocabulaire est mathématifié, technique et il est producteur de profits. Nous nous sommes pas compris. Il y a un univers de méfiance.

Il y a derrière une autre discussion et je vais me permettre de lancer une gentille petite pique à mon ami Josep Borrell, notre Président : il vient de faire remontrance à la Commission du manque d’égard pour le Parlement lorsqu’avant un vote elle dit : « nous ne présenterons pas de nouvelles propositions ». En termes institutionnels, comme d’habitude, notre Président a raison, profondément. Je vais vous faire une confidence entre nous — ne la diffusez que modérement : la Commission ne peut pas. Les États sont loin d’être d’accord. Il n’y en a deux, l’Allemagne et les Pays-Bas — pas n’importe lesquels — où les gouvernements ont maintenu la position commune du gouvernement contre les majorités explicites de leur parlement, sur lesquelles ils se sont assis. Et il se passe aussi quelque chose sociologiquement sans précédent, je ne l’avais jamais vu de ma longue existence de responsable politique, je suis même passé au sommet, qui est un bon point d’observation : il s’agit d’un domaine dans lequel aucun de nos États ne disposent d’une administration équitable et impartiale. L’Agriculture ? L’administration d’État connaît les contradictions d’intérêts villes/campagnes, elle est à peu près équitable, elle essaie d’être impartiale, elle se fait engueuler pour ne pas l’être assez, bien sûr. La fiscalité ? Naturellement. Tout, tout vous dis-je. Sauf ce point sensible et horriblement technique que sont les brevets, parce que ce sont les offices nationaux de brevets qui font les politiques nationales, sans qu’aucun gouvernement ne discute chez lui. J’ai, dans les débats sur ce sujet, provoqué à l’intérieur de la France des groupes de travail inter-ministériels, qui se sont déroulés sous la découverte de la stupéfaction : qui parlait ? au nom de quoi ? et sous quel mandat ? C’est vrai dans à peu près tous nos États.

Ce qui veut dire, mesdames et messieurs — je m’excuse, j’ai été un peu long, mais il est difficile de ne pas l’être, j’ai voulu vous faire accéder à la compréhension de quelque chose d’inoui, où la bonne manière de comprendre c’est la philosophie, mais elle est étrangère au langage des acteurs. Toujours est-il que cette prise de conscience va se développer. Elle est liée à tous les problèmes que l’on voit sur l’éthique sur Internet. Elle est liée au respect d’une morale collective, d’une éthique collective, dans ce monde où tout est tellement technicisé, que la précision des contrôles échappe, qu’elle est difficile et que de toute façon il faut législativement redéfinir leurs points d’appuis et leurs extensions à ces contrôles, tout le temps. Ça fait partie de ce paquet : nous sommes des législateurs à la recherche d’une éthique, et ce sera la grandeur de l’Europe et son rebond que de traiter de ces problèmes qui naturellement ne sont plus à la hauteur de nos débats nationaux. Pardonnez-moi les quelques minutes de trop, mais j’ai aimé le sujet, ca n’échappe à personne.

 Président Borrell 23:25-24:06 (français/anglais)

  • Transcription en français

J’ai toujours admiré la capacité pédagogique de Michel Rocard et ce sujet-là en demande beaucoup — de capacités pédagogiques — pour comprendre quels sont les enjeux institutionnels d’abord, quels sont les équilibres entre les institutions européennes et quel est le sujet de fond, quel est le sujet dans sa profondeur ; comme il l’a dit, on est en train de marquer des éléments structurants du futur et c’est pour cela que c’est l’échelle européenne — et pas une autre — qui peut en être capable. Merci.

 Question pour EU Reporter 24:06-25:06 (anglais/anglais)

Quelques questions pour le Président Borrel. Tout d’abord, en lien avec le brevet communautaire, pensez-vous maintenant que cela met fin à une impasse et sinon, comment pensez-vous que l’on puisse aboutir à un accord sur cela, alors que vous n’avez pas réussi à vous accorder sur une question sectorielle. Et vous avez mentionné que vous alliez avoir une discussion avec le Président Barroso. Peut-être aimeriez-vous dépeindre l’atmosphère qui resortirait de ces discussions et quelle sorte de discussion vous allez avoir avec M. Barroso ? Allez-vous à nouveau lui taper sur les doigts ?

Réponse du président Borrell 25:06-26:53 (français+espagnol/anglais)

Taper sur quoi ? Ah si c’est sur la main... Non, ce n’est pas un problème, on ne va pas se bagarrer, hein ?

Mais, je pense que M. Rocard a été très clair : il y a un problème ; la Commission propose une solution, que les deux organes législatifs doivent approuver, l’un d’eux ne l’a pas accepté à une écrasante majorité et le dossier revient vers la Commission. Maintenant, de manière formelle, la Commmission peut dire : « et bien, vous n’avez pas voulu de ma solution, il n’y aura donc pas de solution ». Vous pouvez dire que ce n’est pas une attitude acceptable. S’il y a un problème, nous devons trouver une solution qui puisse être approuvée par ceux qui peuvent l’approuver. Je pense donc que les Commissaires qui s’empressaient au Parlement de déclarer en public et en privé que le Parlement devait faire attention, car s’il disait « non », il n’y aurait pas d’autre propositions, ont perdu une excellente occasion de se taire. Et M. Rocard dit que la Commission ne serait pas concrètement en mesure de maintenir la situation, mais elle le peut formellement. Et légalement, vous ne pouvez pas la critiquer d’agir ainsi. Mais peut-être que M. Rocard pourrait mieux expliquer cela, car il pense que formellement elle le peut, mais concrètement elle ne peut pas — enfin c’est ce que je pense avoir compris dans ce que tu disais...

Réponse du rapporteur Rocard 26:53-31:21 (français/anglais)

  • Transcription en français

La vérité c’est que c’est un peu tôt alors pour répondre à cette question de manière précise et immédiate, il faut qu’on se remette du choc. Pour l’Office européen des brevets, que veut dire cette affaire ? Le Parlement européen n’a pas produit une législation qui valide les dérives récentes vers la brevetabilité de certains logiciels. Alors que s’il l’avait fait — et c’était la position de la majorité du PPE et d’une moitié, à peine, des libéraux — s’il l’avait fait l’Office européen aurait été confirmé dans cette extension vers le logiciel lui-même de la brevetabilité, dans le cas de logiciels incorporés indissolublement à des inventions et du coup on aurait vu les dérives s’accélérer. Je veux quand même vous en citer une : il y a un brevet sur lequel nous avons l’oeil particulièrement et je le cite parce que c’est une journée d’Afrique au Parlement européen. Un chercheur américain a inventé un logiciel, avec du papier et un crayon — pas de dépense d’argent, pas d’outillage, pas de matière — qui est un guide du professeur en train de faire une leçon de mathematique : une espèce d’aide. Ça a été breveté par les tribunaux américains. Donc c’est hors de prix et c’est impossible [à acheter]. L’Afrique, qui manque tellement d’enseignants partout, si ce brevet [logiciel] avait été gratuit il en faudrait cent mille copies immédiatement, naturellement. C’est l’exemple le plus scandaleux, j’en ai trente ou quarante à votre disposition. On en sourit tous les jours, on les appelle les brevets triviaux mais ils font leurs dégats négatifs. C’est ça le risque d’extension dans ce sens. L’Office européen n’en est pas encore tout à fait là, bien qu’il ait à peu près trente mille brevets litigieux — litigieux, c’est-à-dire incorporant du logiciel dans la nature du brevet. En refusant cela, nous envoyons à l’Office européen des brevets le message : il n’y plus de majorité pour vous couvrir, faites attention à votre jurisprudence, et il est clair, vu l’émergence d’une formidable prise de conscience sur ce sujet, que si les dérives continuent, il émergera une majorité parlementaire pour les encadrer et même les interdire, inévitablement et sous peu.

Sur ce sujet la progression est assez inouïe. Il y a l’effet esthétique spectaculaire de nos deux tiers de voix au premier tour, tout le monde s’est repris, ça a été plus tendu au second, mais il n’y a plus de majorité pour légaliser de telles dérives. Dans ces conditions, je pense profondement que là, pour une fois malheureusement, institutionnellement aujourd’hui, l’Europe ne peut pas prendre en charge un problème aussi mal traité et aussi mal vécu à l’interieur de nos États. Les États sont incapables de se mettre entre eux — de se mettre d’accord entre eux, pardon j’ai économisé un mot. Et en plus, il leur faut découvrir que leur conseillers et les fabriquants de leurs politiques là-dessus — je le disais tout à l’heure — sont partiaux, ne prennent pas en charge la grandeur de ces sujets, c’est donc une affaire longue. Si bien que — console-toi monsieur le Président du Parlement — la réponse à vous, monsieur, c’est que la paralysie de la Commission, à mes yeux sur ce sujet — et la paralysie du Conseil — est spécifique à ce sujet et n’engage en rien une philosophie inter-institutionnelle. Donc je ne donnerai pas, ni à mon Président, ni à nos amis, le conseil de pousser, au niveau européen sur ces affaires, il faut que le débat s’élargisse, il est maintenant dans la grande presse, nous avons eu des dizaines de milliers de mails et vous avez vu la petite bataille navale d’hier : on aura tout vu dans ce dossier, c’est un des plus beaux que l’on ait eu. Mais la plupart des parlementaires européens vous diront que l’on n’a jamais été cannoné à coup de mails, aussi fortement, et avec des termes aussi désobligeants — des deux cotés d’ailleurs : les défenseurs des logiciels libres se sont aussi parfois conduits avec sarcasme, ridiculisation de l’autre, non-écoute — je ne défends rien de tel, mais c’est un vrai enjeu. Mais ma réponse ne porte pas sur le caractère général de votre question, qui était inter-institutionnelle.

 Question pour Libération de Jean Quatremer 31:21-31:39 (français/anglais)

  • Transcription en français

Les dérives, c’est pas une notion juridique, Monsieur Rocard. Donc rien n’empêche l’Office européen des brevets de poursuivre ses pratiques actuelles, voire de les amplifier. Le vide juridique fait parfaitement son affaire, non ?

Réponse du rapporteur Rocard 31:39-34:11 (français/anglais)

  • Transcription en français

Vous avez complètement raison. Simplement, ce qui s’est passé, c’est qu’il a quand même cherché un encadrement légal qui soit une couverture juridique. Il ne l’a pas. Les brevets, qui... Oui, il faut completer toutes ces informations, ça va un peu dans tous les sens à la fois... Dernière nouvelle : les jurisprudences des tribunaux de brevets allemands et britaniques vont dans notre sens de plus en plus. Dans les droits scandinaves — suédois en tous cas — polonais et aujourd’hui allemand, la référence aux forces de la nature, c’est-à-dire la mise en oeuvre soit d’énergie, soit de matière, qui qualifie la différence entre le monde physique, où tout ce qui en sort est brevetable, et le monde immatériel des formules mathématiques qui jouent entre elles — si j’ose dire — où rien n’est brevetable, c’est la mise en oeuvre des forces de la nature qui est le meilleur moyen de le dire. On aurait pu dire matière, mais comme en fait, dans la réalité du sujet, c’est presque toujours plutôt de l’énergie que de la matière : des micro-signaux — mais un signal c’est toujours de l’énergie — on s’est mis... La trouvaille « forces de la nature » est l’expression d’une cour allemande en 1930, qui vient seulement l’année dernière d’être reprise dans les jurisprudences fédérales de la cour suprême allemande.

L’Office européen sait qu’il est sous observation, là. Et d’autre part, il sait aussi très bien que si le scandale de ses dérives — qui en effet ne sont pas un concept juridique, bien sûr, mais une observation de faits — est repéré davantage, ça va pousser à l’aggravation de cette prise de conscience et à l’élargisssement de la majorité de notre défense du logiciel libre. Nous sommes dans un processus... Vous vous souvenez quand un auguste citoyen français, membre de l’Assemblée nationale — qu’on appelait Chambre des députés à l’époque — a eu l’idée de lancer un impôt progressif sur le revenu, il a fallu 17 ans de débats, d’avancées, de reculs, de bagarres. 17 ans ! Nous sommes en bataille non seulement pour l’écriture, mais pour l’acceptation culturelle par les opérateurs — parce que c’est ça qui compte — d’une écriture juridique qui respecte et impose l’éthique dans ce secteur. Cette bataille se heurte à de gros intérêts. Je ne suis pas sûr que ce soit la vérité du fond, mais c’est la vérité des prises de conscience. Je pense que nos grandes sociétés devraient réexaminer leurs stratégies, elles ont vécues comme ça pendant quarante ans quand même. Peu importe. Il y a de gros intérêts, on va donc y metttre du temps et des batailles. Mais c’est commencé comme ça.

Précision du président Borrell 34:11-34:43 (français/anglais)

  • Transcription en français

Michel, si tu me permets : si je ne me trompe pas, pour la petite histoire, ce député-là qui a voulu imposer l’impôt sur le revenu : la bataille était tellement forte, que sa femme a été amenée à tuer, à coup de pistolet, le directeur du plus grand journal français de l’époque. [Rocard : « Celle qui fit ça est Madame Joseph Caillaud »] Non, mais c’est une véritable histoire. Non, on n’en arrivera pas là. C’est à propos de « taper sur la main ». [Onesta : « Agatha Christie va nous écrire un nouveau roman.]

 Question pour Radio Radicale de David Carretta 34:43-35:19 (français/anglais)

  • Transcription en français

Une question pour Monsieur Rocard. Vous décrivez le « best case scenario », c’est-à-dire, « l’Office des brevets va nous écouter », etc. Mais la Commission dit ne vouloir pas présenter une nouvelle proposition , l’Office des brevets peut continuer avec la dérive. Après le vote d’aujourd’hui, qui sort renforcé par le statu quo : les grandes entreprises que vous avez citées avant, ou la liberté de circulation des idées ?

Réponse du rapporteur Rocard 35:19-38:21 (français/anglais)

  • Transcription en français

Qui sort renforcé par ce statu quo ? L’importance de nos tribunaux. Naturellement les juges de brevets. Mais toutes ces justices spécialisées — il y a une justice interne à l’Office européen des brevets — font l’objet d’appels devant la justice civile normale et tout ça finira en Cour européenne des droits de l’homme ou en Cour de justice du Luxembourg d’ailleurs — je ne suis pas juriste de profession et de détails de spécialité. C’est clair et c’est là que la bataille va être portée inévitablement. Pour le moment, je crois plutôt qu’il va y avoir deux résultats : l’Office européen des brevets [ne] changera pas ses pratiques actuelles, fera attention à ne pas les étendre, ce sont les entreprises qui feront plus attention. Mais les entreprises, elles savent que la fragilité de ces nouveaux types de brevets est accrue devant les tribunaux. Les juges aussi, ils lisent ce qu’on fait. Je vais même me permettre une petite confidence, après tout ça vous amusera. Encore une fois, je ne suis pas informaticien — ni de métier ni de formation — ni juriste non plus. Moi ce que je savais faire, c’était des budgets, de l’impôt et de l’agriculture — de tous autres métiers — donc il a fallu que mange des savoirs variés — et je suis toujours très intimidé la dessus, il y a toujours des conseillers qui en savent beaucoup plus, mieux que moi — mais suite à l’ampleur, et puis quand même au caractère un peu frappant qu’avait pris notre débat en première lecture, j’ai eu l’honneur insigne, mesdames et messieurs, d’être invité à contribuer à une des séances de travail du Congrès biennal des juges de brevets d’Europe. Ils avaient même des invités observateurs des États-Unis et de ne sais plus quel pays d’Asie — à ma connaissance pas encore la république populaire de Chine. J’ai donc à ce moment là produit tout ce que je viens de vous raconter. Il s’agit du Congrès des juges de brevets. Et à la pause café , une bonne demi-douzaine — sans démenti net des hôtes — sont venus me trouver en me disant : « vous savez, on n’est pas loin de penser que vous avez probablement raison ». Je n’engage personne, c’est pas nominatif. Je suis heureux de vous raconter ça. Avec la violence du débat qu’il y a eu — enfin l’intensité, pardonnez-moi ce mot — et la gravité des arguments jusqu’ici rejetés ou négligés : est-ce qu’on admet des monopoles partout, par le brevet, ou est-ce que quand même la concurrence a une petite importance ? C’est pas tout à fait rien ! Quand à ce concept de liberté de circulation des idées, est-ce qu’il serait exclusivement réservé à tout ce qui se passe en dehors du champ de l’informatique ? C’est quand même des choses absolument énormes ! Aucun juge, fut-il spécialisé dans les brevets, ne peut ignorer ce genre de sujets. Voilà comment ça va se passer, comment le rapport de forces va évoluer. Tous les acteurs sont en observation mutuelle, quoi.

 Question pour Reuters de Huw Jones 38:21-39:12 (anglais/anglais)

Oui, une question pour M. Borrell. Pouvez-vous faire un commentaire à propos du lobbying dont vous avez été témoin ? M. Rocard n’a évoqué que la bataille navale et le comportement abominable de certains lobbyistes. Allez-vous demander à la Commission ou au Parlement de prendre des mesures, en ce qui concerne le contrôle des lobbyistes ?

[Borrel : « Des mesures sur le combat naval, vous dites ? » [Rires] « Non, le combat naval, c’était amusant, non ? Non, ce n’est pas ça... »]

Non, je parle du lobbying en général, avec cette loi, est-ce que cela soulève des questions sur les services du Parlement ? Est-ce que cela appelle des mesures particulières ?

Réponse du président Borrell 39:12-40:34 (espagnol+français/anglais)

En général, on ne devrait pas avoir trop de quelque chose. On devrait avoir juste ce qu’il faut pour tout ; il est inévitable que les lobbies organisés défendent leurs intérêts et qu’ils essaient de se rapprocher du Parlement et de lui expliquer. Et la différence entre expliquer et exercer des pressions est difficile à définir. Mais bien sûr, nous ne pouvons pas empêcher les gens intéressés par un dossier d’exprimer leur point de vue, mais nous ne voulons pas qu’il y en ai de trop. Les lobbies ne sont pas si forts pour dicter leur solution aux gens qui votent les choses. Et bien entendu, ce serait une situation qui demanderait une réponse institutionnelle. Mais je ne pense pas que nous en soyons déjà là, certainement pas. J’ai observé que les eurodéputés étaient indépendants et que cette indépendance n’était pas remise en cause par la présence des lobbies et qu’ils avaient tout à fait le droit d’être là. Je ne sais pas si Michel a un autre point de vue sur le problème, mais je pense que, pour le moment, nous ne sommes pas dans une situation demandant une réponse institutionnelle.

Réponse du rapporteur Rocard 40:34-41:46 (français/anglais)

  • Transcription en français

Comme quasi la plupart du temps, je suis en plein accord avec mon Président, mais il a raison. J’ajouterai même que bien malin qui parmi nous serait capable de définir la différence entre un expert et un lobbyiste, entre un connaisseur d’un sujet, qui apporte à un parlement une information sans laquelle il ne pourrait pas travailler et un lobbyiste. Je rappelle qu’aux États-Unis — qui ne sont pas qu’une terre d’immoralité quand même — le métier de lobbyste est reconnu, il a un statut et ils ont des bureaux près du Parlement. Moi ça m’a plutôt fait sourire et gêné parce que l’encombrement permanent de tout nos courriels, nos emails, ça devient la barbe. Et puis, quand la violence du langage déferle, quand le ricanement s’y mêle, nous changeons de rire. Mais ces délits-là peuvent se définir distinctement. Je serai assez sourcilleux sur la délimitation du permis et du pas permis mais il n’y a pas de démocratie sans lobbies. [rires] Oui, on est un peu complices, Josep et moi.

 Question pour XXX 42:20-43:52 (italien/anglais)

  • Transcription en italien

Parlerò italiano. Presidente, quello che è successo oggi e anche le accuse che sono state fatte nei confronti della Commissione dal relatore Rocard, ed anche da lei, per non aver ascoltato, per aver avuto un comportamento arrogante, ecc. fa parte di una tendenza che in questo momento forse comincia ad emergere nella Commissione che ascolta troppo le lobby e troppo poco il parlamento e troppo poco anche la società civile ? Mi riferisco in particolare alle pressioni che l’UNICE sta esercitando per tornare indietro rispetto al regolamento RICH, per non presentare le strategie tematiche sull’ambiente, sull’inquinamento atmosferico... sappiamo che c’è stata una lettera dell’UNICE a Barroso a cui Barroso ha risposto prontamente rinviando una decisione che doveva essere presa il 20 luglio sulla strategia tematica sull’inquinamento... C’è da parte della Commissione secondo lei una risposta anche alla crisi dovuta ai « no » ai referendum che va verso un maggior ascolto delle lobby industriali ed un minore ascolto del Parlamento e dell’opinione pubblica e della società civile, proprio il contrario di quello che probabilmente dovrebbe fare la Commissione ? Grazie
















La question est en italien, Monsieur le Président. Ce qui s’est passé aujourd’hui et également les accusations, faites par le rapporteur Rocard, et aussi par vous, sur la Commission qui n’a pas écouté, qui a eu une attitude arrogante, etc. Est-ce que tout cela fait partie d’une tendance, que nous commençons maintenant à dicerner, dans laquelle la Commission écoute trop les lobbies et pas assez le Parlement européen ou plus exactement la société civile ? Je pense ici à la pression mise par l’UNICE pour revenir sur la directive REACH [enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques] et pour pas présenter les stratégies sur les thèmes de l’environnement et de la pollution de l’air... Nous savons que Barroso a reçu une lettre de l’UNICE et qu’il a immédiatement réagi en retirant cette décision du 20 Juillet à propos des stratégies sur le thème de la pollution... Pensez-vous par conséquent qu’il y a également une réponse de la Commission à la crise causée par les « non » aux référendums qui consiste à écouter davantage les lobbies industriels et à moins écouter le Parlement, l’opinion publique et la société civile, ce qui serait diamétralement opposé à ce que devrait faire la Commission ? Merci.

Réponse du président Borrell 43:52-45:38 (espagnol/anglais)

N’exagérons rien. Gardons la juste mesure des choses. Nous n’appelons pas à questionner la Commission sur la manière dont elle fonctionne, et nous ne nous lançons pas dans une guerre interinstitutionnelle. Comme l’a dit M. Rocard, il s’agit juste d’une situation sans précédent et nous sommes confrontés à de nombreuses situations sans précédent dans cette législature. Cela a commencé quand nous avons mis en doute la composition de la Commission et depuis nous avons été en permanence confrontés à une situtation sans précédent. Je veux dire que cela ne s’est jamais produit auparavant. Simplement je me suis limité à dire que même si la Commission a scupuleusement respecté formellement l’accord interinstitutionnel, car nous avons été à tout moment informés de sa position, je pense franchement que nous devons voir dans un débat ce que le Parlement pense que nous devons faire. Comme l’a dit M. Rocard, il y a ici un problème que nous ne pouvons éviter. Une partie des organes législatifs n’aime pas cette solution, nous n’avons donc plus qu’à nous assoir ensemble, décider de ce que nous devons faire et ne pas prendre de décision unilatérale. Et comme je l’ai dit, la Commission est formellement couverte par le Traité, mais je ne pense pas que ce soit une réponse que nous voulons donner. Nous voulons une solution concertée à ces problèmes. Mais je ne veux bien entendu rien exagérer et entrer dans d’autres genres de considérations dans lesquelles nous ne voulons pas entrer.

 Question pour XXX 45:38-46:22 (espagnol/anglais)

Président, ce résultat de 648 voix, vous l’avez présenté comme un rejet écrasant de la proposition de la Commission. Mais nous savons que dans ce résultat, il existe deux positions majeures : l’une en faveur et l’autre contre la proposition telle qu’elle était présentée par la Commission. Pouvons-nous dire que ce résultat général est la position du Parlement européen contre la proposition de la Commission ? Je pense qu’il est difficile de l’affirmer lorsque l’on sait que ce résultat comprend deux positions divergentes.

Réponse du président Borrell 46:22-46:49 (espagnol/anglais)

Et bien, c’est comme pour les « non » à la Constitution. Il y a les « non » à la Constitution qui sont des « non » parce qu’il semble que ce n’est pas assez et d’autres parce qu’il semble que c’est trop. Mais quand vous ajoutez ces « non » hétérogènes, vous obtenez ce résultat. Je ne suis pas plus que quiconque dans la tête de chaque eurodéputé, mais il s’agit du nombre de « non » qu’il y a eu. Je ne sais pas si M. Rocard veut ajouter quelque chose...

Réponse du rapporteur Rocard 46:49-48:24 (français/anglais)

  • Transcription en français

Nous sommes dans la banalité de l’évidence : nos raisons de rejeter étaient contradictoires. Qu’est ce que ça veut dire sur le fond du sujet ? Ça veux dire que nous étions partagés à peu près moitié- moitié, sans qu’un des deux blocs d’opinions puissent faire un pronostic certain de gagner à la majorité relative, parce que personne savait comment ça allait basculer tellement c’était serré, et que tout le monde savait en tous cas qu’il n’y avait pas de perspective de majorité qualifiée, parce que nous avons été 680 en séance, c’est déjà pas mal, mais enfin, on aurait peut-être pu l’approcher, mais personne ne pouvait le savoir, nous sommes d’habitude 630-640... La perspective d’une majorité qualifiée n’était pas là, et puis même si elle s’ouvrait, elle était incertaine. Et la seule opinion commune des deux blocs d’idées, les breveteurs des produits de l’esprit humain et les non-breveteurs des produits de l’esprit humain que nous sommes, avaient en commun de préférer l’absence de texte et le fait de revenir dans le débat devant les tribunaux ou etc., la maturation, l’absence de texte et une maturation du problème, plutôt que l’adoption des thèses de l’autre. C’est ça qui s’est passé dans l’enthousiasme conjoint. Et [assurément], facteur non négligeable : la reconciliation enfin du PPE qui était en grave danger d’une fracture profonde. Bonne chance à lui. [Borrell : on en reparlera de ce sujet]